17/12/2009
Baylet intervient au Sénat !

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
La semaine dernière, lors de l'adoption du projet de loi de finances pour 2010, le Sénat a malheureusement approuvé la disparition de la taxe professionnelle et son remplacement par un nouveau dispositif qui est loin de rassurer les élus locaux. J'ai déjà eu l'occasion, à cette tribune, de m'exprimer sur les raisons qui ont motivé mon opposition et celle des radicaux de gauche, à cette réforme. Je voudrais néanmoins juste en rappeler une fondamentale, car elle s'invite de nouveau dans le débat d'aujourd'hui.
Je veux parler de votre entêtement à maintenir un calendrier d'une incohérence sidérante.
Nous sommes nombreux, jusque dans les rangs de la majorité, à avoir demandé, très tôt, que l'on discute d'abord de la clarification des compétences avant de réformer la fiscalité.
Nous n'avons pas été entendus. Et malgré la colère généralisée des élus, le Parlement a été mis au pied du mur avec un projet de loi tellement indéfendable et inintelligible qu'il a du être totalement réécrit par la commission des finances du Sénat.
Pourtant, vous persistez encore une fois, à nous demander de mettre la charrue avant les boeufs.
En effet, vous nous proposez, Monsieur le Ministre d'adopter le premier texte d'une série de 3 destinés à inventer les conseillers territoriaux.
Certes, les articles du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, n'évoquent pas l'appellation « conseillers territoriaux » et si l'on s'en tient à l'exposé des motifs, on pourrait même penser, avec un peu de naïveté, qu'il s'agirait simplement de renforcer la démocratie locale. La mise en place d'échéances regroupées favoriserait, parait-il la clarté des choix démocratiques.
En réalité, nous savons très bien, et vous aussi, que ce texte est le préalable obligatoire à la création des fameux super élus off-shore. Si son adoption n'entérinera pas la création des conseillers territoriaux, elle le permettra en tout cas. C'est un chèque en blanc pour la suite.
Une suite que nous aurions justement aimé connaître. Car, à l'instar de ce que vous avez fait pour la taxe professionnelle, vous nous proposez de voter un dispositif à l'aveuglette.
La représentativité d'une assemblée se fonde en fonction de ses compétences, de ses découpages géographiques, de son articulation par rapport aux autres institutions. Or, tout sera décidé début 2010, lors de
l'examen du projet de loi n°60. Pire, c'est seulement en 2011, que la question des compétences sera abordée en vertu de l'article 35 du projet de loi précité qui prévoit que dans un délai de 12 mois, une loi précisera la répartition des compétences des régions et des départements, ainsi que les règles des cofinancements entre les collectivités territoriales.
Alors, comment être certain de créer un élu vraiment représentatif, alors que rien n'est décidé sur le fond de la répartition des compétences ? Par exemple, si l'on supprime la clause de compétence générale -comme semble le vouloir le gouvernement- et que l'on spécialise les collectivités, est-il pertinent de créer un élu représentant deux assemblées aux fonctions très différentes ?
Aurons nous là aussi des clauses de revoyure?
J'ajouterai aussi que ce projet de loi, présenté dans la précipitation, fait peu de cas du principe de sincérité du scrutin. Bientôt, les électeurs vont élire des conseillers régionaux puis généraux aux mandats réduits. Il va falloir leur expliquer que les mandats sont réduits pour organiser la concomitance en 2014 dans le cas où, entre temps, les
conseillers territoriaux auraient été créés. Mais il faudra aussi leur dire, comme le souligne très justement notre collègue rapporteur, je cite « que le Parlement pourrait, à l'issue de ses débats sur le projet de loi de réforme
des collectivités territoriales et même dans l'hypothèse où il aurait adopté le projet de loi n°63, renoncer à créer ces conseillers territoriaux ». Nos concitoyens vont donc élire des élus avec un mandat précaire au cas où !
Par ailleurs, si l'article 34 de la Constitution consacre la compétence du Parlement pour fixer les règles qui concernent « le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales », le Conseil constitutionnel exige néanmoins que le législateur justifie la réduction des mandats par un motif d'intérêt général. Demain, si le motif principal non avoué qui est la création d'une nouvelle catégorie d'élus disparaissait, le Parlement aurait donc voté un projet loi potentiellement inconstitutionnel.
Il est clair que toutes ces contradictions témoignent bien de l'hypocrisie qui sous-tend toutes ces réformes.
Au fond derrière tout cela, je pense que se cache une manipulation électoraliste visant à reprendre à la gauche, les départements et les régions pourtant perdus par la droite.
D'ailleurs, le projet de loi portant répartition des sièges et délimitation des circonscription pour l'élection des députés, discuté hier, participe de la même entreprise inavouable. Ma collègue Françoise Laborde l'a rappelé dans la discussion générale ; Nous savons bien que le gouvernement n'a pas suivi toutes les recommandations de la commission présidée par M. Guéna dont certaines visaient pourtant à renforcer l'égalité du suffrage, la continuité et la cohérence territoriale des circonscriptions.
Depuis le mois dernier, les projets de loi concernant les collectivités locales se succèdent avec une même constante ; Il s'agit, je le crains, de détruire des collectivités locales.
Avec la réforme de la taxe professionnelle, Monsieur le ministre, votre gouvernement va organiser un peu plus encore leur asphyxie.
Avec le redécoupage des circonscriptions, vous souhaitez les réorienter politiquement.
Nous assistons à une véritable déstabilisation des collectivités locales qui sont pourtant le dernier rempart contre la politique nationale aux conséquences économiques et sociales désastreuses que l'on connaît.
Mes chers collègues, pour ces raisons, les radicaux de gauche ne voteront pas le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
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