07/09/2009
Discours JM BAYLET Universites d'ete PRG2009.

Mes très chers amis,
Je veux, tout d’abord, vous
remercier tous d’avoir sacrifié ces trois belles journées, dans un emploi du
temps qui est déjà celui de la rentrée, pour venir débattre ici des lourds
problèmes de notre pays, de l’Europe, du monde, de notre environnement, de
l’avenir de la gauche ou de celui de notre parti. Nous avons eu depuis vendredi
ce qu’on appelle au Quai d’Orsay des échanges vifs et francs, des travaux
d’atelier riches et féconds. Je vous remercie donc tous, sans aucune exception,
de vos excellentes contributions.
Vous me permettrez cependant d’adresser
des remerciements particuliers à nos amis de Charente-Maritime, avec à leur tête
le Président, Yann JUIN, pour leur hospitalité parfaite et pour la convivialité
qu’ils ont insufflée dans ces journées. Merci donc à toi Yann et à toute ton
équipe qui avez su, avec l’aide d’une autre équipe, celle du siège national,
organiser un accueil exceptionnel.
Mais je manquerais à tous mes devoirs
si je n’adressais pas des remerciements particuliers à notre invité, Pierre
Moscovici, qui a lui aussi traversé tout le pays il habite à Montbéliard, vous
vous rendez compte… pour répondre à notre invitation alors même qu’il est très
occupé, comme beaucoup d’entre nous, à lancer la campagne de la gauche pour des
régionales dont nous savons tous qu’elles seront difficiles.
Ce n’est pas
te faire offense, mon cher Pierre, de dire que Martine Aubry aurait souhaité
venir elle aussi. Au demeurant, lorsqu’elle me l’a dit, je t’avais déjà invité.
Mais elle est toute occupée à sa grande braderie. Mais en t’écoutant à
l’instant, j’ai eu le sentiment, comme nous tous je crois, que par ta hauteur de
vues, ton sens de l’analyse et de la synthèse, la clarté de tes positions, les
socialistes étaient ici parfaitement représentés. Nous te remercions donc très
chaleureusement.
*
J’ai parlé pour commencer des graves
difficultés que connaît notre pays et j’ai évoqué aussi l’avenir de la gauche et
celui des radicaux. Je voudrais souligner l’étroite intimité qui existe entre
ces trois questions ; c’est un seul et même problème.
D’abord, et je le
dis une fois pour toutes, l’avenir du parti radical de gauche ne se dissocie pas
et ne se dissociera pas de celui de la gauche. Combien de fois devrais-je dire
encore que nous sommes clairement à gauche et dans l’opposition
?
D’ailleurs, comment ne serions-nous pas dans l’opposition ?
A
l’heure où le pouvoir démantèle
A l’heure où Nicolas Sarkozy protège les riches
contre la solidarité fiscale tandis que les plus modestes vont être seuls ou
presque à payer la taxe carbone ; j’y reviendrai, je n’oublie pas que les
radicaux ont inventé l’impôt progressif sur le revenu.
A l’heure où
Madame Lagarde voit des signes de reprise dans les indices boursiers, dans les
profits des banques, dans les rémunérations des opérateurs financiers, tous
voués aux gémonies voici moins d’un an.
A l’heure où le volontarisme
verbal de l’omni-président laisse apparaître la dernière résignation devant les
délocalisations et les suppressions d’emplois dans les entreprises multipliant
les dividendes de leurs actionnaires et les salaires de leurs dirigeants.
A l’heure où MM. Hortefeux et Marleix s’apprêtent à lancer à la hussarde
une réforme des collectivités territoriales qui romprait l’équilibre
difficilement acquis entre les niveaux de gestion de l’ensemble national.
A l’heure où le Président de
Et bien non, n’en déplaise à
certains ou peut-être à certaines, les radicaux ne sont pas
sarko-compatibles.
Et s’ils viennent à trouver fondée telle ou telle
proposition venue de l’Elysée je pense à l’emprunt d’Etat, recette typiquement
keynésienne que nous n’avons aucune raison de rejeter dans son principe, ou
encore la fameuse taxe carbone, les incroyables confusions et contradictions de
la communication gouvernementale nous obligeraient à nous y opposer. On annonce.
C’est décidé. Le lendemain, on dénonce. Rien n’est tranché. Et s’il faut occuper
les écrans, on nomme une commission désavouée avant d’avoir délibéré.
Ni
dans le fond ni dans la forme nous n’approuvons ce pouvoir qui porte atteinte à
l’essentiel c'est-à-dire à la cohésion sociale de notre
pays.
*
Pour autant, je veux qu’on m’entende bien sur un point
précis. Comme vous tous, j’ai retenu la leçon de François Mitterrand : « Quand
on est dans l’opposition, on s’oppose. » Mais je ne me rappelle pas l’avoir
entendu soutenir qu’il fallait s’opposer à l’évidence. Si M. Sarkozy prétend
qu’il faisait un peu frais avant-hier soir et qu’il fait grand beau aujourd’hui,
dois-je prétendre pour obtenir votre adhésion politique sans réserves, que notre
soirée de vendredi était torride et qu’il pleut à seaux ce matin ?
Soyons
raisonnables pour être crédibles dans notre rôle d’opposants. Puisque François
Mitterrand, encore et toujours lui, critiquait la décision du Général de Gaulle
de sortir de l’OTAN, est-il raisonnable de s’opposer à une réintégration
commandée par l’ordre du monde ?
Quand M. Sarkozy présente une réforme
constitutionnelle certes insuffisante mais correspondant, pour ses points
essentiels, à des améliorations que nous avons toujours réclamées, est-il
logique de persévérer dans l’opposition ad hominem ?
Quand il vient à
dire que le maintien de nos troupes en Afghanistan est vital pour la défense des
valeurs de l’universalisme, est-il cohérent ou plutôt démagogique ? de prôner
le retrait de nos soldats ?
Et s’il propose de sauver l’épargne
populaire en évitant la faillite des banques françaises, faut-il accepter
d’éteindre l’incendie ou jeter de l’huile sur le feu ?
Sur tous ces
sujets, qui sont d’intérêt national ou européen et non de propriété partisane,
je crois que la bonne méthode pour faire progresser notre propre conception,
c’est le dialogue. Est-il nécessaire de rappeler aux radicaux, chantres de la
tolérance, à vous tous qui invoquez si volontiers et à très juste titre
Voltaire, que le meilleur moyen de convaincre, c’est précisément de discuter de
nos idées et de celles des autres.
*
Ce qui m’amène tout
naturellement à revenir rapidement sur le procès en sorcellerie fait depuis deux
ans aux radicaux, parfois par ceux-là même qui ont fourni le plus de recrues à
la prétendue ouverture de l’actuelle majorité. Les radicaux de gauche auraient
le tort de dialoguer.
Ceux qui instruisent ce faux procès, quelquefois à
l’intérieur même de notre parti ne sont pas du tout choqués de voir Marielle de
Sarnez rivaliser de gauchisme avec Robert Hue à l’invitation de Vincent Peillon.
Pas choqués non plus d’entendre les Verts délivrer leurs sentences catégoriques
à l’université d’été du Medef ou à celle du Modem, du Modef ou du Medem, je ne
sais plus. Tout cela est normal. Mais le Président du P.R.G., lui, devrait
refuser tout dialogue, drapé dans notre intransigeance légendaire… A la rigueur
je serais autorisé à convaincre les personnes déjà convaincues. Pas plus. Ce
n’est pas la définition d’un parti politique, c’est celle d’un
club.
Alors oui, je l’avoue : quand Nicolas Sarkozy me demande mon avis,
je le lui donne. Et nous sommes rarement d’accord. Et si Jean-Louis Borloo veut
m’inviter à boire l’apéritif et me proposer un colloque sur la laïcité, je
boirai son verre et je trouverai plus naturel d’en parler avec lui qu’avec
François Bayrou ou un quelconque avatar du MRP.
Et maintenant, si tel ou
tel d’entre nous se laissait emporter par une ambition ministérielle, ce serait
une aventure strictement personnelle. Il resterait notre ami, en tout cas le
mien car je ne sais pas faire autrement. Mais il ne serait plus politiquement
des nôtres, que ce soit bien clair.
Pour en finir sur ce chapitre et
puisque nous sommes en pleine rentrée des écoles primaires, je veux vous inviter
à un petit calcul d’arithmétique élémentaire. Depuis 1995, depuis plus de
quatorze ans, de présidentielles en législatives, nous attendons, nous espérons
l’alternance politique. Or, il se trouve qu’en démocratie pour réaliser
l’alternance il faut que des citoyens et des responsables politiques changent
d’avis. Eh oui ! Toutes les passerelles que les radicaux pourront lancer vers la
majorité ne seront pas des compromissions mais des gages d’avenir pour la
gauche. Quand François Mitterrand nommait, en 1988, dix ministres venus de son
opposition, cela avait un peu plus d’allure que Jean-Marie Bockel ou Eric
Besson.
*
J’ai parlé de l’avenir de la gauche. Avant de voir si le
Modem pourrait y être intégré je voudrais me poser la question des
Verts.
J’entends bien leurs discours. Ils sont à gauche. Et depuis trois
mois, ils considèrent même qu’ils sont la gauche. La vraie. La moderne.
L’anticipatrice. La débroussailleuse d’avenir.
Et puis ensuite, comme
vous, j’écoute le détail de leurs propositions. Yves Cochet, par exemple, qui va
expliquer ces jours derniers à Madame Parisot qu’il est pour la décroissance et
pour la dénatalité déguisée sous la formule extravagante d’impôt « du troisième
ventre ».
En parlant de malthusianisme, on euphémise, car il nous serait
loisible d’employer des termes ou de mobiliser des rappels historiques beaucoup
plus violents.
Mais la question est plus vaste. Etre de gauche, c’est
préférer le mouvement à l’ordre, le progrès au conservatisme, la justice par la
répartition à l’immobilisme par la glaciation. C’est surtout croire
fondamentalement à l’unité de la condition humaine, croire au fond de soi que
l’homme n’est pas un animal, être persuadé que la problématique humaine est
illimitée et que, toujours, l’homme a su régler les problèmes générés par les
solutions apportées aux précédentes questions.
Plus généralement encore,
je soutiens que l’Histoire peut être résumée à une géographie contrariée par la
volonté politique. Que l’Histoire est écrite par des hommes qui se lèvent pour
refuser la fatalité, pour dire que rien n’est inéluctable. Qu’elle est faite par
des grandes ambitions où les Droits de l’Homme ne se confondent pas avec les
droits des animaux. Qu’elle repose sur la certitude que l’environnement est au
service de l’Homme d’aujourd’hui et de demain certes mais pas l’inverse. Une
fois n’est pas coutume, je citerai un mot de Pierre Mauroy : « Un militant c’est
un homme dans les rêves de qui il y a une part d’impossible ». Et ce sont ces
utopies-là que la volonté politique finit par graver dans la réalité.
Je
l’ai dit à nos amis socialistes, ici même la semaine dernière car nous étions
chez Michel Crépeau qui avait bien des longueurs d’avance quant à ces questions,
l’écologie politique n’est la propriété de personne. Elle ne saurait se résumer
à une perpétuelle prophétie de l’apocalypse. La véritable écologie, c’est celle
de l’Homme en mouvement. On n’assiste pas aux bouleversements du monde assis et
les bras ballants mais debout et le poing serré.
La taxe carbone, par
exemple, il faut bien sûr la mettre en place. Mais je note qu’entre la
communication de Yann Arthus-Bertrand ou Nicolas Hulot et celle de François
Fillon, l’opinion publique s’est totalement renversée en moins de trois mois.
Les Français la voient comme injuste, confuse et de surcroît insuffisante.
Devons-nous ignorer les sentiments de nos concitoyens, de nos électeurs, avec la
certitude d’avoir raison. Et d’être presque seuls au monde à voir juste
?
A supposer que ce réchauffement soit dû à l’activité humaine il faut à
l’évidence, remettre notre ouvrage sur le métier pour taxer les vrais pollueurs,
pour compenser la taxe au profit des foyers modestes et pour n’être pas seuls à
créer un handicap supplémentaire contre nos activités productives dans la
compétition internationale.
Venons-en, toujours à propos des Verts, à des
considérations politiques plus traditionnelles, à quelque six mois des
régionales. J’entends dire jusque chez les radicaux qu’il nous faudrait préparer
cette échéance tantôt avec les socialistes, tantôt avec les écologistes, voire
avec les amis de M. Bayrou.
Eh bien non ! Je rappellerai à nos amis
verts que nous avons fait, en 1994, l’expérience d’un grand succès aux
européennes. Les socialistes ont fait, en 2004, régionales et européennes
confondues, la même expérience d’une belle victoire. Et avant nous ou après, Le
Pen, de Villiers, Pasqua, ont connu la même ivresse conjoncturelle. Mais tous
ont pu voir que l’élection européenne, scrutin peu mobilisateur et toujours
marqué par des votes d’humeur, n’ouvrait pas la voie royale vers les élections
ultérieures. Je prends le pari que les écologistes remettront les pieds sur
terre lors des régionales et qu’ils auront loisir entre les deux tours de
réviser leurs ambitions pour contribuer aux victoires de la gauche.
Car
elles seront certainement moins nombreuses qu’en 2004. Nous devrons tous
mouiller notre chemise pour conserver le maximum de positions. Mais je le dis
tout net : nous avons pris nos responsabilités avec les socialistes dans la
gestion de nos régions et c’est avec les socialistes que je veux préparer nos
réélections. Si l’union peut être élargie aux communistes, aux verts, et même au
Modem au premier tour, c’est bien, mais commençons d’abord par l’union
historique entre radicaux et socialistes, une union pour laquelle nos
partenaires devront faire, sur les programmes comme sur les équilibres
politiques, plus de concessions qu’ils n’ont l’habitude d’en consentir. Mais là
est bien notre priorité : l’unité de la gauche responsable, de la gauche
réformiste, de la gauche de gouvernement, de cette gauche qui doit redevenir
synonyme d’espérance.
Et je veux dire à Pierre Moscovici qu’il porte en
retour ce double message à ses amis. Les radicaux demandent la création
d’urgence d’une commission paritaire pour la préparation coordonnée du scrutin
régional. Et cet autre message pour faire taire à la fin tous les soupçons et
toutes les rumeurs. Signe des temps, il en va de la politique comme dans des
familles recomposées : les valoisiens, qui étaient nos frères, sont devenus des
parents très éloignés ; et les socialistes, qui étaient jusqu’à Tours frères
jumeaux des communistes, constituent bien aujourd’hui notre parenté la plus
proche.
*
Nous allons donc préparer ensemble les échéances de
l’avenir et je dois vous parler encore un peu d’élections et précisément des
deux sujets qui occupent fort les radicaux et les socialistes : les primaires et
la fameuse « maison commune ».
Puis-je rappeler toutefois que nous avons,
en 2011, des élections sénatoriales et que, sur la base des résultats de 2008,
nous pouvons enfin espérer reprendre la majorité au Sénat ? Que nos amis de
gauche demandent, dès maintenant, aux économistes de leurs formations
respectives de leur rappeler ce qu’est la règle de l’utilité marginale car il ne
serait pas extravagant que les radicaux pensent à relever le flambeau que leur
avait laissé Gaston Monnerville
Alors, nos deux autres sujets ! Pour
être juste, il faut préciser que, si les socialistes s’en préoccupent beaucoup
aujourd’hui, les radicaux ont avancé leurs solutions depuis longtemps
déjà.
« La maison commune » de Martine Aubry, en premier lieu. Nous avons
apporté notre réponse voilà sept ans déjà. Notre Congrès de Toulouse en 2002
m’avait donné le mandat de déposer, procédure exceptionnelle, une motion externe
dans les débats du Parti Socialiste. Je l’ai fait scrupuleusement en proposant
d’unifier enfin nos formations -qui venaient de gouverner ensemble pendant cinq
ans et de connaître ensemble l’épouvantable défaite d’avril 2002- en un seul
parti tout simplement intitulé «
Notre idée refait surface. Je m’en
réjouis mais je dis : faisons vite. Vous avez sans doute remarqué que Nicolas
Sarkozy, assez bon stratège s’il s’agit de guerre de mouvement, ne manœuvre pas
que ses troupes ; c’est aussi lui qui semble faire bouger les nôtres. Au lieu
d’agir, nous ne faisons que réagir. Une introduction brutale d’un scrutin
majoritaire à un tour, à l’anglaise, nous trouverait stupéfaits, empêtrés dans
nos projets, alors qu’il est déjà en train d’achever l’unification de la droite
et de l’extrême-droite.
C’est pourquoi je propose pour ma part que
radicaux et socialistes tiennent à l’automne 2010, un Congrès extraordinaire
commun pour parler de cette construction urgente en attendant d’y accueillir les
autres
Nous serons alors largement à temps pour discuter de la question
des primaires en vue de 2012. Là encore, dès 2005, les radicaux ont déposé une
proposition de loi pour l’organisation, à droite comme à gauche, de primaires
présidentielles. Notre système était plus inspiré du modèle américain que de
l’exemple italien. Si l’on en juge aux résultats, cette inspiration semble
préférable.
Nous sommes donc totalement favorables à l’organisation de
primaires. Mais de primaires ouvertes pas seulement à tous les électeurs et
sympathisants de gauche mais à tous les candidats de gauche. Et nous en serons.
Et oui, nous aurons notre propre candidat ou notre propre candidate.
Je
devrais dire un ou plusieurs puisque la rumeur publique nous annonce tellement
de candidats socialistes, déclarés ou probables, que, d’une part, l’égologie
pourrait bien supplanter l’écologie, que d’autre part surtout, il n’y a sûrement
pas de meilleur moyen de relancer François Bayrou que de multiplier les
candidatures à gauche.
Il nous restera à nous entendre sur un calendrier.
Jai cru comprendre que, pour sa part, Martine Aubry n’est pas trop pressée. Même
vu de loin, il semble que ce soit aussi la position de Dominique Strauss-Kahn.
Je suis assez de cet avis.
Si la compétition des primaires n’est pas
immédiatement tendue par l’élection présidentielle, nous mettrons en place une
machine à nous diviser pendant un an et demi pour le plus grand profit de la
droite. Et je crois que l’effort sur nos programmes, sur nos idées, doit
précéder la désignation des candidats qui les portent, sauf à transformer les
primaires en compétition entre supporteurs de football.
*
Je veux
dire, puisque nous sommes en période de vendanges, qu’à cueillir les raisons
trop tôt, on est obligé de laisser tous ceux qui sont trop verts -on les dénomme
« verjus »- et d’abandonner une partie de sa récolte. C’est ce que les vignerons
appellent « la part des grives ».
Cette comparaison est mobilisée à
dessein car ma conviction est que, primaires ou non, ce n’est pas le pressoir
qui fait le vin, c’est le raisin.
Vous avez compris, je pense, que la
priorité me semble résider dans l’énorme travail que la gauche doit d’abord
faire sur elle-même en replaçant ses valeurs dans le siècle. Cette urgence du
travail conceptuel est criante.
En France, sommes-nous vraiment certains
que l’objectif de solidarité est mieux assumé par l’Etat et par la loi qu’il ne
le serait par les délibérations de nos collectivités locales ?
Devrons-nous par dogmatisme combattre le revenu de solidarité active que
nous défendions à la présidentielle de 2007 ?
Ne pouvons-nous pas
réfléchir à une fiscalisation au moins partielle des cotisations de sécurité
sociale ?
Pourrons-nous, à défaut, éviter de poser en d’autres termes
que ceux des incantations autour de la répartition la question du financement
des retraites. Plus généralement, n’avons-nous pas, par une conception trop
figée de la sécurité sociale, contribué à déresponsabiliser les individus,
mouvement qui se paie toujours au prix de leur liberté ?
Allons-nous
éternellement refuser de voir la grave crise de représentativité de nos partis
politiques et de nos syndicats ? Ou camper éternellement dans les tranchées
d’Amiens qui ont séparé les uns des autres ?
Faut-il continuer les petits
abandons quotidiens de la laïcité et tolérer, au nom de la tolérance et du
relativisme culturel, l’émergence d’une mosaïque communautaire ?
Faut-il
se voiler la face devant la réalité de la délinquance et de ses composantes qui
ne sont qu’un des symptômes de la déliquescence sociale et de la dislocation du
civisme ?
Et, Jacobins contre Girondins, devons-nous, plus de deux
siècles plus tard continuer à soutenir que l’unité nationale suppose
l’uniformité législative et la rigoureuse identité des cadres de gestion locale
? N’est-il pas temps au contraire de voir que l’unité républicaine s’enrichit
des différences et de la diversité, que
Voilà
seulement quelques pistes. Certaines de ces réflexions sont, j’en conviens,
contradictoires entre elles. Raison de plus pour les approfondir et inventer
rapidement le nouveau modèle que la gauche du 21ème siècle propose comme un
horizon militant.
*
Et l’Europe, direz-vous ?
Commençons
donc par abandonner les querelles qui ont divisé nos propres partis, notamment
en 2005. Vous voulez un florilège ? C’est parce que nous sommes fédéralistes que
nous ne voulons pas de cette Europe-là. Nous voulons l’Europe mais pas celle-là.
Que l’Europe se mêle de ce qui la regarde et nous laisse nous occuper des
questions nationales, régionales ou locales, etc. Je pourrais rappeler ces
vétilles pendant des heures. Mais je crois qu’on ne peut pas sacrifier
l’Histoire à de petites histoires.
Puisque nous sommes fédéralistes,
réaffirmons-le et défendons les Etats-Unis d’Europe. Objectif impossible à
atteindre, répondront quelques spécialistes. Qui aurait cru possible, en 1945,
la réconciliation franco-allemande ? Et c’est au nom de cette « impossibilité »
que certains de nos aînés les plus prestigieux ont refusé
Première urgence européenne, la création d’un véritable
gouvernement économique disposant d’un vrai pouvoir budgétaire, en lieu et place
de l’orthodoxie monétaire dictée par
Et ce sentiment européen qui découplerait enfin la
nationalité et la citoyenneté, nous le ferons vivre aussi en réhabilitant la
notion de service public. Quand elle n’est plus efficace au niveau national,
quand les gouvernements de gauche eux-mêmes se sont appliqués à la vider de tout
son sens au nom de la sacro-sainte concurrence, elle peut et doit faire
résurgence dans de grands services publics européens, pour l’eau, l’énergie, les
transports collectifs, ou la santé publique. Qui voudrait aujourd’hui remettre
en cause le programme Erasmus si bien adopté par les jeunes Européens ? C’est
dans cette voie qu’il nous faut persévérer.
Et puis réaliser l’unité
continentale. Nous savons que l’élargissement a peut-être été conduit trop
rapidement mais il faut cependant le parachever puisque la faillite de l’Islande
et son besoin de solidarité nous en fournissent l’occasion. Que
Beaucoup de travail donc pour arriver à une vision renouvelée
et progressiste du vieux rêve européen de Victor Hugo.
C’est seulement au
prix de cette unité géographiquement élargie et politiquement renforcée que
l’Europe pourra peser sur les affaires du monde.
Je n’ai plus le temps
ici de tracer, sur ces affaires-là, un vaste panorama que vous avez bien voulu
me laisser dessiner lors de notre précédente université d’été.
Mais enfin
que vaudront nos chauvinismes ou nos discussions de clochers face à la
détermination des Etats-Unis, de
S’il faut, de toute urgence, réformer
l’Organisation Mondiale du Commerce pour y introduire, je vous en ai déjà parlé,
une clause des libertés publiques, une autre des minima sociaux, une troisième
sur les contraintes environnementales, une encore sur l’élévation du niveau de
vie des pays exportateurs par l’obligation de mise préalable de leurs produits
sur leur marché intérieur, s’il le faut, et je le crois, comment y parvenir sans
une volonté politique européenne exprimée d’une seule voix. Continuerons-nous à
tolérer que l’étranglement des libertés en Chine, en Russie, en Birmanie, ou
même au Gabon, permette à ces pays et aux firmes internationales qui les
exploitent de détruire l’emploi chez nous ?
Et puisque nous devons
adopter de nouvelles règles monétaires internationales, comment supprimer les
paradis fiscaux, comment taxer les flux financiers purement spéculatifs, comment
éviter qu’une seule monnaie arbitre tous les échanges internationaux, comment
rebâtir en un mot le système de Bretton-Woods si les Européens vont, comme les
Curiace, à cette bataille en ordre dispersé ?
Et comment désamorcer les
risques bien réels de guerre au Moyen-Orient, autour du guêpier du Pakistan et
de l’Afghanistan, ou encore dans les surenchères coréennes si le monde entier ne
sait prendre à témoin que l’Amérique,
*
Eh oui, mes amis, il
s’agit bien de l’Histoire. De l’Histoire majuscule.
Il se trouve,
voyez-vous, que les communautés humaines ne savent pas vivre sans les grands
mythes structurants, sans ces totems qui agrègent, sans ces belles et grandes
histoires qu’une société se raconte pour être, à la fin, plus forte que ne le
serait la simple somme des espérances individuelles.
Regardez derrière
nous, en un peu plus d’un siècle de l’Histoire de France. Le combat pour
Les Etats-Unis, d’où sont partis, depuis la
déclaration d’indépendance, tant de grands rêves universels, nous en ont donné
voici moins d’un an un merveilleux exemple. L’Amérique a voulu donner
d’elle-même la vision d’un avenir meilleur et plus fraternel plutôt que celle
d’un égoïsme replié. Et c’est ainsi que le monde entier a reçu son message :
l’Amérique était à nouveau plus grande qu’elle-même.
Nous sommes
capables, nous aussi, de nous dégager des gouvernements de comptables, des
diktats émis par les conjoncturistes, de la perpétuelle énumération des
contraintes et des raisons de ne pas faire.
Assignons d’autres horizons à
notre jeunesse étreinte par l’inquiétude. Un seul exemple pour terminer et
résumer la noblesse de la politique : à ces jeunes, qui vont de stage en
chômage, qui tombent de désœuvrement en désespérance, proposons de rémunérer
leur utilité sociale plutôt que de financer leur inactivité en créant un grand
corps national puis européen de volontaires du développement.
Et donnons
donc un bel exemple à l’Europe, avec, s’ils le veulent nos amis anglais.
Etablissons un lien entre désarmement nucléaire et développement. Que l’argent
de la guerre vienne financer la paix !
Ainsi, aussi longtemps qu’un homme
aura faim, le pouvoir de la volonté politique ne sera pas épuisé.
Pour le
reste, nous avons grâce au travail de Thierry Jeantet et de ses groupes d’amis,
un beau programme, intelligent, imaginatif et en perpétuel devenir. Nous
pouvons, nous devons, contribuer à la rénovation conceptuelle de la gauche
modernisée et rassemblée.
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