21/10/2009
Alain, par mes amis PRG du CR IDF
Mercredi, 21 Octobre 2009 09:00

Emile Chartier, dit Alain, est né le 3 mars 1868 en Normandie dans une famille de la petite bourgeoisie rurale. Après avoir fait l'Ecole Normale Supérieure, il est reçu à l'agrégation de philosophie en 1892 et devient professeur, d'abord en province puis au lycée Condorcet à Paris.
Son engagement politique commence avec l'Affaire Dreyfus en 1897 qui l'amène à participer au mouvement de création des universités populaires. Le but de ces universités est alors de rendre l'instruction accessible aux adultes afin d'éveiller les consciences et tenter d'apporter des réponses humanistes à la montée de l'antisémitisme et des fascismes en Europe. La première université populaire est créée en 1896 et l'on en compte plus d'une centaine en 1901. Or s'il est un concept philosophique cher à Alain, c'est bien celui de considérer que l'émancipation de l'homme réside d'abord dans la liberté d'esprit, plus encore que dans la liberté politique. C'est pour cette raison qu'il décide de fonder à son tour l'université populaire de Lorient en 1900.
Cette même année, alors que la société française se médiatise, il adopte le pseudonyme d'Alain dans La Dépêche de Lorient, journal radical. Le journalisme devient alors pour lui une véritable interface entre son activité de professeur-philosophe et celle d'intellectuel engagé. C'est à partir de 1903 qu'il commence à rédiger à travers des chroniques hebdomadaires pour la Dépêche de Rouen et pour la Nouvelle revue française, ses fameux " Propos ". Plus de 3000 de ces "Propos " paraîtront de février 1906 à septembre 1914, instituant un nouveau style, celui du "journalisme philosophique".
En 1909, il devient professeur de Khâgne au lycée Henri IV où il a comme élève, Raymond Aron, Simone Weil ou encore Julien Gracq. A l'approche de la guerre, bien que militant pour le pacifisme, il fait le choix de s'engager par devoir citoyen, il a alors 46 ans. Démobilisé en 1917 suite à une grave blessure au pied, il revient profondément marqué par les atrocités de la guerre et publie notamment en 1921 un pamphlet contre celle-ci : Mars ou la guerre jugée, puis Propos sur le bonheur en 1925 et Propos sur l'éducation en 1932 ainsi que plusieurs grands traités d'esthétique et de métaphysique.
Militant anticlérical et pacifiste, il s'engage alors auprès du mouvement radical, en tant que partisan d'un Etat républicain placé sous le contrôle du peuple. Dans le même temps, il continue de publier ses billets d'humeurs, devenus le genre littéraire « alinien » par excellence. Le penseur radical qu'il est devient par ce biais, le premier "philosophe public" , mêlant faits divers, réflexion politique et philosophique, accessible au plus grand nombre.
Alain prend sa retraite de professeur en 1933 et le dernier cours qu'il professe constitue un évènement auquel assistent en personne, le recteur de Paris et le Ministre de l'éducation nationale de l'époque M. De Monzie. En 1934, il crée avec le socialiste et ethnologue Paul Rivet et Paul Langevin physicien, le Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes (CVIA), dont le succès est remarquable et qui, en rassemblant les grandes familles de gauche, apparaît comme l'organisation précédant le front populaire.
Après 1936, Alain, touché par la maladie, est condamné à l'immobilisme et c'est de chez lui qu'il reçoit le Grand Prix National des Lettres, décerné pour la première fois. Il s'éteint à l'âge de 83 ans en 1951.
Grand âme et esprit du radicalisme, sa passion de la liberté et sa volonté de transmettre une philosophie rationnelle dénuée de préjugés en font un grand humaniste cartésien. Après avoir connu trois guerres et été le témoin et l'acteur de l'évolution institutionnelle de presque toute la IIIème République, il est sans doute la production la plus typique du républicanisme à la française, qu'il servit toute sa vie avec constance.
Julien Gracq, ancien élève d'Alain, évoquait en ces termes le souvenir qu'il en garde :
" Il avait fait la guerre ; il donnait une impression de présence physique tout à fait considérable, et puis d'un énorme équilibre aussi. Oui, il était solide sur ses jambes et il donnait l'impression d'être à peu près inébranlable, en n'importe quelles circonstances. Alors, c'était à la fois un professeur remarquable, un virtuose, un penseur aussi, mais c'était aussi un type humain assez exemplaire ; ça m'a frappé. Les élèves n'ouvraient jamais la bouche : on écoutait, il parlait pendant une heure et on écoutait"
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